Alain Edouard Traoré, ministre de la communication : « De façon générale, on peut se satisfaire de la presse burkinabè »

| 22.05.2014
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Alain Edouard Traoré, ministre de la communication : « De façon générale, on peut se satisfaire de la presse burkinabè »
© DR / Autre Presse
Alain Edouard Traoré, ministre de la communication : « De façon générale, on peut se satisfaire de la presse burkinabè »
Dans le cadre de la 17e édition des Prix Galian, Sidwaya s'est s'entretenu avec le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Alain Edouard Traoré, le 19 mai 2014. Dans cette interview, le ministre de tutelle situe l'importance de ce prix dans le paysage médiatique burkinabè. Il donne aussi son appréciation sur le travail des professionnels de la presse.

Sidwaya (S) : La 17e édition de la soirée des Galian se tient le 23 mai à Ouagadougou. Quel regard portez-vous sur cette célébration de l'excellence au profit des hommes et femmes de médias ?

Alain Edouard Traoré (A. E. T.) : Je crois qu'il faut se satisfaire du fait que la Nuit de communicateur, depuis sa création, a pu relever le défi d'offrir à la population un référentiel en termes de prix donnés aux professionnels de la communication. Il y a lieu de se féliciter pour la constance des prix Galian. 17 éditions, cela veut dire qu'ils ont traversé le temps. Je pense réellement que pour tous les journalistes du Burkina Faso, la Nuit du communicateur connue plus sous l'appellation Galian est une référence aujourd'hui. Quelles que soient les controverses ou les différences de vue sur tel ou tel aspect, nous sommes tous unanimes que les prix Galian constituent un évènement majeur annuel de la profession.

S. : En tant que ministre de la Communication, avez-vous des points de satisfaction et d'insatisfaction par rapport au travail des médias burkinabè ?

A. E. T : Je pense que la liberté de la presse dans notre pays ne connaît pas d'entraves juridiques dans les faits. C'est pour dire que cette liberté connaît une évolution qui permet aux professionnels de la communication de travailler dans de meilleures conditions. Nous sommes en train d'œuvrer à toujours améliorer cela. Aujourd'hui, nous avons toutes les catégories de médias, et il n'y a pas de contrainte par rapport à l'expression des contenus. Ces dernières années, on a vu apparaître beaucoup de nouveaux organes et il faut s'en féliciter. Je dis aussi qu'il faut travailler sur les contenus. La presse en elle-même n'a de valeurs que si elle porte des valeurs démocratiques, citoyennes, d'information et autres. Si la presse doit amener à stigmatiser, à faire mal aux autres, je pense qu'elle perd de son rôle. La presse, c'est l'information, c'est le gardien du temple, c'est le dernier recours dans un état de droit. Il faut utiliser cela ou exercer cela avec professionnalisme, avec déontologie et aujourd'hui, mon insatisfaction est parfois les dérives. Il y a parfois des dérives et on va travailler à les corriger. Mais, de façon générale, on peut se satisfaire de la presse burkinabè.

S. : A chaque édition des Galian, des donateurs de prix spéciaux annoncent leurs intentions, seulement, après le dépôt des œuvres journalistiques. Pourquoi ne pas s'annoncer une année avant ?

A. E. T : Oui, c'est une perspective possible. Cela dépend de l'objectif qui est recherché. Les donateurs s'arriment autour des Galian. Des candidats déposent des œuvres que des jurys sont chargés d'apprécier pour dérouler le palmarès officiel des Galian. Les prix spéciaux aussi sont décernés sur la base même des œuvres retenues par le jury. Cela veut dire qu'il n'y a pas de prix spéciaux en dehors des œuvres qui sont validées par les jurys. On ne veut pas que le journaliste travaille en fonction des prix. Voilà en réalité l'explication. Donc, lors des Galian, les donateurs estiment que dans le monde des médias, tel article proposé aux prix Galian valorise une question qui est en rapport avec leur domaine. Sinon, c'est une idée à creuser, mais là, on mettra les gens en compétition directement pour les prix spéciaux, alors que ce n'est pas ce que nous recherchons. C'est la vie normale d'une activité et les gens produisent sans calcul, et après on regarde les meilleurs sur des thématiques données qu'on prime.

S. : Une certaine opinion pense qu'il faut harmoniser les prix spéciaux, car ils sont souvent en nature et en espèces. Que pensez-vous ?

A. E. T : Ce n'est pas en nature et en espèces. Les prix spéciaux, de manière générale, sont en espèces. Mais certains donateurs ajoutent des outils de travail, c'est un plus. Donc, je ne vois vraiment pas de problème à ce niveau. Quand quelqu'un décide de donner un ordinateur, dont le coût peut dépasser 500 000 F CFA, on ne peut qu'encourager cela. Il y a aussi certaines institutions qui semblent préférer des prix en nature qu'en espèces, parce qu'elles estiment que remettre un ordinateur, un appareil photo ou un dictaphone à un journaliste, le met plus en relation avec son travail.

S. : Pourquoi ces prix ne dépassent pas 500 000 F CFA ?

A. E. T : Vous savez, certains prix spéciaux étaient 250 000 FCFA jusqu'à l'année dernière où l'on a essayé d'augmenter. On a même eu peur, parce que les institutions donatrices ne viennent pas toujours. Si on monte à 1 million de F CFA et que les donateurs se retirent ? Pour cette édition, je crois qu'on est à 29 prix officiels, et ce matin encore (19 mai) j'ai reçu des courriers où j'avais deux propositions de prix spéciaux. Donc, c'est une trentaine. Quand vous comptabilisez, cela fait 15 millions de F CFA injectés dans la profession.

S. : Quelles sont les grandes innovations de cette 17e édition ?

A. E. T : En termes d'innovations, j'ai demandé davantage de rigueur aux jurys mais aussi aux organisateurs de livrer une belle soirée au peuple burkinabè et à la diaspora. La soirée sera en direct. On nous a parfois reproché que la soirée est longue. Mais je pense que si la soirée est bien agrémentée et bien tenue, elle n'apparaîtra pas longue. La durée ne dépend pas que de nous. L'année dernière, nous avions 22 prix spéciaux, cette année nous sommes à une trentaine, et le temps d'appeler les lauréats et leur remettre leurs prix, de faire passer quelques artistes pour agrémenter la soirée, les minutes s'égrènent. Cette année, on connaît un engouement plus grand et même du côté des journalistes, parce que, contrairement à l'édition précédente où on avait enregistré 280 œuvres en compétition, la 17e édition a dépassé le cap des 300 œuvres. Donc, on peut dire que, quels que soient les problèmes, les journalistes se retrouvent à travers ces prix Galian.

S. : On vit ce que certains appellent un nouveau printemps de la presse burkinabè avec la création récente de nouvelles publications. Que vous inspire ce regain ?

A. E. T : Je pense que cela est lié à la dynamique politique. Forcément, aujourd'hui quand on prend la presse, l'information politique, en termes de propagande et de sensibilisation des partis vis-à-vis de leurs militants, occupe une place de choix. Chacun veut être le plus entendu, le plus compris, le plus suivi par les populations. Au-delà de la pensée des gens, du point de vue objectivité, il y a comme un déphasage entre quelques journaux qui sont capables de porter cette demande en termes d'outil d'information. Certains sont satisfaits, d'autres ne le sont pas. Il y a des journalistes qui sont en attente de vouloir créer des choses et qui n'ont pas toujours les moyens, il y a des personnes qui ont envie de parler et qui cherchent les gens. L'un dans l'autre, la loi de l'offre et de la demande en réclame. Je les félicite, c'est la liberté de la presse, chacun peut créer son journal. L'essentiel, c'est le respect de la déontologie et le professionnalisme. Si cela est fait, il n'y a pas de souci, puisque dans tous les cas, attendons une année, deux ans pour voir. Pour la plupart de ces journaux, c'est Ouagadougou. Je viens de rentrer de Djibo, Banfora, d'un certain nombre de localités, j'avoue que beaucoup de journaux n'y envoient pas de numéro et le nombre de tirage aussi est peu élevé. Pour le moment, ces journaux doivent travailler à se faire de la place. Notre défi, c'est d'avoir des entreprises de presse qui fonctionnent, qui créent des emplois, qui paient les journalistes à leur juste valeur.

S. : Dans un contexte de peuplement médiatique, comment éviter les dérapages ?

A. E. T : Il y a trois éléments pour éviter les dérapages. Il y a d'abord le professionnalisme du journaliste lui-même. Et effectivement, si le journaliste n'est pas professionnel, il n'est pas dans la déontologie, il ne véhicule même pas des informations. Parce qu'il veut vendre son journal, il écrit ce qu'il entend sans vérifier. Il faut que les journalistes professionnels sachent raison garder, vérifier les sources, vérifier les délais pour éviter les problèmes. Deuxièmement, je crois que je compte en partie sur l'Observatoire burkinabè des médias (OBM) qui est une structure créée par les médias pour faire de l'autorégulation et d'éviter qu'il y ait trop de dérapages. Enfin, je compte sur le Conseil supérieur de la communication pour réguler, et aider à sensibiliser les journaux, les journalistes par rapport aux dérives. Parce que s'il y a des dérives, l'impact peut être très négatif pour la liberté de la presse elle-même et pour notre démocratie, parce que les citoyens vont être désabusés. Il y a des pays qui ont deux, trois fois le nombre de journaux que nous avons et parfois on n'a pas envie de lire, parce que ce sont des journaux partisans, militants.

S. : Avez-vous un dernier mot à l'endroit des hommes et femmes de médias ?

A. E. T : C'est de dire merci pour ce que vous faites. Aujourd'hui, tout ce que nous pouvons faire de valable, notre démocratie, notre développement, notre citoyenneté, la liberté de la presse, la qualité de nos politiques, personne ne le saurait s'il n'y avait pas les professionnels de la communication, l'implication des citoyens. Donc, tout processus démocratique est soutenu par les médias, c'est pourquoi on parle de 4e pouvoir. La presse est très importante lors des processus électoraux ou la démocratie de manière globale, l'adhésion des populations aux politiques publiques, l'esprit d'appartenir à une Nation, l'interpellation des gouvernants par rapport à la qualité des politiques, par rapport à la qualité de la gouvernance. Je dis souvent qu'aucun gouvernant au monde n'est omniscient. Nous pouvons nous tromper parce que nous sommes des humains, nous n'avons que des responsabilités. La valeur d'un être humain, c'est son sens de responsabilité parce que nul ne peut prétendre tout savoir. Je vous exhorte à continuer dans ce sens pour l'approfondissement de notre processus démocratique et le développement de notre cher Burkina.

Interview réalisée par Gaspard BAYALA
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