FESPACO 2015 : Le 1er de l’après-Blaise

| 02.03.2015
Réagir
FESPACO 2015 : Le 1er de l’après-Blaise
© DR / Autre Presse
FESPACO 2015 : Le 1er de l’après-Blaise
Le Premier ministre burkinabè, Yacouba Isaac Zida, représentant le chef de l'Etat, Michel Kafando, a donné, samedi 28 février 2015, dans l'après-midi, le clap d'ouverture de la 24e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). C'était au palais des sports de Ouaga 2000, lors d'une cérémonie ponctuée de discours, de prestations d'artistes et d'une chorégraphie.

 

C'est officiellement parti pour la 24e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), depuis samedi 28 février 2015, dans l'après-midi. Le chef du gouvernement, Yacouba Isaac Zida, représentant le président Michel Kafando, a donné le clap d'ouverture au palais des sports à Ouaga 2000. A l'occasion, le ministre de la culture et du tourisme, Jean-Claude Dioma, a rappelé que la présente édition de la biennale se déroule du 28 février au 7 mars 2015, sur le thème : «Cinéma africain : la production et la diffusion à l'ère du numérique», avec l'Egypte comme pays invité d'honneur. Il a aussi mentionné que le 24e FESPACO se tient dans un contexte particulier. Le ministre a évoqué le «contexte régional marqué par la recrudescence des actes terroristes» et «le ravage de la maladie à virus Ebola». Pour Jean-Claude Dioma, le maintien de la manifestation, nonobstant cette situation, à laquelle s'ajoute la période post-insurrection, témoignent de «la volonté des autorités de la transition de faire vibrer le cinéma africain dans le concert des nations». De son avis, le FESPACO est le symbole d'une Afrique qui avance et prospère, en dépit des adversités.

Pour sa part, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a félicité les acteurs du cinéma qui ont fait le déplacement de Ouagadougou d'avoir «cru en leur festival». Il a également rassuré toute la population que «tout est mis en place pour que cette fête du cinéma soit très belle».

Des innovations

Dans la même lancée, le Délégué général (DG) du FESPACO, Ardiouma Soma, a indiqué que «toutes les dispositions sont prises pour que les films du FESPACO 2015 soient projetés dans les conditions professionnelles». Evoquant les innovations de présente édition, M. Soma a cité la projection dans les salles en numérique, le relèvement de la récompense de l'Etalon de Yennega qui passe de 10 millions à 20 millions de FCFA. Il a aussi évoqué l'ouverture de la compétition long métrage aux films de la diaspora.

Le FESPACO 2015, c'est près de 700 films proposés pour 133 retenus dont 19 en compétition pout l'Etalon d'or. Il y a 133 films à projeter dans les sept salles conséquemment aménagées. Le FESPACO 2015, c'est aussi le marché du cinéma, les colloques, les projections cinématographiques, les conférences et autres podiums d'animation.

En plus des discours, la cérémonie d'ouverture a été ponctuée de prestations d'artistes-musiciens dont le Burkinabè Alif Naaba et le Sénégalais Smaël Lô. La troupe de la Burkinabè, Irène Tassembédo, à travers une prestation chorégraphique, a apporté une touche particulière à la cérémonie. La scène qui a duré près d'une heure, a permis de présenter une dizaine de tableaux avec 134 personnes. Selon la chorégraphe, le spectacle a porté sur le thème de «la paix, la construction et l'avenir».

Alexandre TRAORE
Larissa KABORE

Encadré1 : Les-à-côtés

Le PM salue la prestation chorégraphique

Le Premier ministre dans son interview, à l'issue de la cérémonie d'ouverture, a fait une mention spéciale à l'artiste Irène Tassembedo dont la troupe a émerveillé le public, durant près d'une heure. «Je félicite notre compatriote Irène Tassembedo pour la belle prestation culturelle», a dit le PM. Et d'ajouter que « cela traduit la valeur de la culture. Qu'elle soit exprimée par un homme ou par une femme, par un riche ou par un pauvre, la culture reste la même pour tout le monde. Elle constitue une des choses les plus précieuses dans le monde». Chapeau bas donc à Irène Tassembedo dont la troupe a prouvé qu'elle a de la talent à revendre.

Le transporteur officiel mis en exergue

La salle du palais des sports de Ouaga 2000 était aux couleurs des sponsors de la 24e édition du FESPACO, lors de la cérémonie de lancement. Au nombre des partenaires mis en exergue, figurait la compagnie «Royal Air Maroc», le transporteur officiel de la présente édition de la biennale. Ainsi, l'on pouvait apercevoir, les logos de cette compagnie élue «meilleure compagnie régionale africaine», comme on pouvait le lire sur cette banderole.

Le pagne du FESPACO pas visible

Le pagne officiel du FESPACO se fait assez rare, à cette édition de la biennale. Au cours de la cérémonie du clap inaugural, un journaliste burkinabè ne s'est pas empêché de demander à un confrère s'il n'y a pas eu de pagnes du FESPACO, cette année. Sa question était d'autant plus pertinente que même dans la cuvette du palais des sports, les personnes qui arboraient le fameux pagne, se comptaient du bout des doigts. A part les hôtesses, quelques officiels et membres du comité d'organisation, les autres personnes ayant eu le pagne peuvent être considérées comme de véritables privilégiées. La rareté du pagne, a-t-on entendu dire, peut avoir son explication dans la nouvelle dynamique « Plus rien ne sera comme avant ».

Alif Naaba et Ismaël Lo, avant les discours

Les deux artistes chanteurs ayant tenu en haleine le public de la cérémonie d'ouverture, juste avant la série des allocutions, sont Alif Naaba du Burkina Faso et Ismaël Lô du Sénégal. Ces deux vedettes ont presté en live, devant une assistance qui a visiblement apprécié. En témoignent les applaudissements qui ont ponctué leurs prestations respectives. D'aucuns auraient même déploré la brièveté de la prestation des deux musiciens. La prestation chorégraphique de la troupe d'Irène Tassembedo a été programmée à la fin de la cérémonie.

Rassemblés par AK et LK

Des acteurs du 7e art se prononcent

A l'issue de la cérémonie d'ouverture du FESPACO 2015, le samedi 28 février dernier, acteurs du monde du 7e art, ont confié à Aujourd'hui au Faso, leurs impressions et leurs attentes.

Maréchal Zongo, comédien ivoirien : «Chapeau aux organisateurs du festival»

«Le cinéma africain est en pleine progression, car pendant un temps, nous avons assisté à un cinéma de la mendicité, qui était un cinéma qui devait plaire aux financiers. Aujourd'hui, il y a une véritable évolution du cinéma africain et cela mérite d'être encouragé. C'est avec beaucoup de bonheur qu'on a appris qu'il y a un film qui a été tourné dans le Nord-Mali qui a rempporté des Césars, donc c'est-à-dire que le cinéma africain est en train d'avancer à grands pas et mérite d'être encouragé par les Africains que nous sommes. Nous ne pouvons que tirer le chapeau aux organisateurs de cette édition du FESPACO, car nous savons tous ce qu'il y a eu comme crise en octobre dans ce pays, et pour cela, beaucoup de personnes ne croyaient pas que le FESPACO pouvait tenir son pari cette année. Donc félicitations aux organisateurs».

Hortense Assaga, journaliste Africa24 : « Une édition de transition »

« Je suis très contente d'être ici. C'est mon 5èmeFESPACO et à chaque fois, c'est un émerveillement de voir autant de créativité et autant de professionnalisme, de voir une Afrique qui crée, qui bouge. Cette édition est pour moi, une édition de transition, car il y a eu beaucoup de sobriété dans les discours. En même temps, quand on voit les ballets dirigés par Irène Tassembédo, on se dit que c'est magnifique. Pour moi, c'est une édition que j'intitulerai sobre, tournée vers les professionnelles car c'est le thème de l'édition qui l'oriente dans ce sens-là. C'est un festival qui repart vers de nouveaux horizons et je pense que c'est par rapport à ce qui s'est passé dans le pays il y a quelques mois. Par rapport au film Timbuktu qui avait été retiré, mais va finalement être mis en compétition, je pense que c'est vraiment un acte à apprécier, car on ne peut pas vouloir promouvoir le cinéma et mettre en même temps en marge certains films. C'est important pour les cinéphiles de voir toutes les propositions et tous les messages qui seront fait à ce festival».

Gaston Kaboré, réalisateur burkinabè : «Il était nécessaire de tenir le FESPACO, malgré le contexte actuel»

«Il est évident que le cinéma africain doit suivre les mutations technologiques parce que c'est à ce seul prix qu'il peut survivre et se développer et surtout, essayer d'aller sur d'autres marchés ailleurs, donc le thème sur « la production et la diffusion à l'ère du numérique » me paraît très pertinent. Le FESPACO engage toujours la réflexion et il appartient aux professionnels de tous pays de s'en servir pour faire des films et des œuvres. Oui, il était nécessaire de tenir ce festival, malgré le contexte particulier actuel, car c'est une manifestation qui fait partie de l'ADN du Burkina Faso en quelque sorte et, en plus, c'est aussi un instrument au service du cinéma de tout un continent, donc en cela, le Burkina Faso n'est pas propriétaire du FESPACO, il ne fait qu'offrir ses services au cinéma».

Apolline Traoré, réalisatrice burkinabè : «Un fonds financier pour les réalisateurs de films»

« Je suis vraiment contente de cette édition qui se déroule dans la paix et nous espérons qu'elle se terminera aussi, dans la joie. Il est vrai qu'on a boosté l'Etalon de Yennega et aussi les prix, mais je pense que ce n'est pas encore assez, au niveau du gouvernement. Il est important et très nécessaire qu'on ait un fonds qui sera à la disposition des réalisateurs pour la réalisation des films».

Fanta Nacro, réalisatrice burkinabè : «Autonomiser le FESPACO par sa privatisation»

« Il a des années que nous nous sommes lancés dans une grande production de films en numérique et je ne pense pas que c'est ce qui justifie que le Burkina Faso n'a que 2 films au niveau de la réalisation. Dans les discours, il a été dit que le comité d'organisation a reçu énormément de films et quand c'est le cas, on doit procéder à une sélection et je pense que l'équipe de sélection a dû vraiment être rigoureuse, car nous sommes la capitale du cinéma et il sera aberrant qu'on sélectionne des films qui ne sont pas à la hauteur du festival. Je ne suis pas contre l'idée de la privatisation du FESPACO, car il se pourrait qu'il ait plus d'autonomie pour une meilleure organisation de l'évènement. Année après année, nous voyons les difficultés liés à l'organisation du festival, car tributaire des subventions qui viennent de l'extérieur. Je tire vraiment mon chapeau à l'équipe qui n'a pas manqué de se démêler pour que cette édition soit effective. Il a un professionnalisme qu'on doit promouvoir au niveau du FESPACO ».

Jean Marie Teno, réalisateur camerounais : «En Afrique il n'y a pas que les Nollywood»

«Le cinéma africain est en train d'évoluer de manière positive, car lorsqu'on remarque en France, dans les Césars, il a de plus en plus de films africains. Et même récemment, il a un film africain qui a remporté au moins 7 Césars et qui a été nominé parmi les Oscars du meilleur film étranger. On a eu tendance à penser qu'en Afrique, il n'y a avait que les films Nollywood et avec l'arrivée du film « Timbuktu » d'Abderrahmane Sikasso, au sommet des affiches un peu partout dans le monde, on a quand même la présence du cinéma africain, un peu partout. En somme, c'est un bien pour le FESPACO de programmer ce film».

Ai Keïta Yara, actrice burkinabè : «on devrait plus encourager les jeunes »

«Le numérique arrange plus les réalisateurs car il est moins cher, il y a aussi ce changement que je trouve bien. Nous, les comédiens, nous ratons beaucoup de tournages et les réalisateurs ont plein, de scénarios dans les tiroirs par manque de financement. Et je pense que le numérique va amoindrir ce problème. Je voudrais aussi encourager les jeunes réalisateurs, car beaucoup sont en compétition à cette édition».

Propos recueillis par A.K et L.K

Un FESPACO, en pleine crise du cinéma africain

Ça y est donc, la 24e édition du FESPACO a donné son clap de départ, ce 28 février 2015. A quelques jours des Césars et des Oscars, cette fête du cinéma africain se veut être une occasion pour les films du continent d'être d'abord, vus et par les Africains et par les autres habitants des autres continents.

Mais voilà, le constat est palpable : certes, il y a des films et surtout, des séries africaines qui inondent désormais les écrans, surtout le tube cathodique, des films bon marché, à la limite du théâtre, qui plaisent au public. De nos jours, Nollywood du Nigéria est une industrie gargantuesque, qui maille toute l'Afrique, et qui rapporte.

Certes, de plus en plus de cinéastes africains essaient de sortir la tête hors de l'eau avec des productions de bonne facture. Ici, on ne peut pas ne pas citer Abderrahmane Sissako qui, avec Timbuctu, aura fait une razzia en matière de prix, 7 au total, excusez du peu, aux derniers Césars dont celui du meilleur réalisateur.

Mais, tous ces îlots de réussite ne sauraient cacher le malaise dans laquelle barbote le cinéma africain : le 7e art du continent noir est en plein marasme, miné par l'absence de productions compétitives à l'international, et au tarissement des financements. La conséquence est l'essoufflement des films de haute volée, capables de tenir la dragée haute aux films étrangers. Et comment ne pas mentionner la multiplication des festivals en Afrique qui grippent l'évolution qualitative du FESPACO ?

L'introduction de la vidéo n'a pas facilité les choses, mais l'avènement du numérique pourrait être un palliatif à ce déficit concurrentionnel. Le numérique est d'ailleurs le thème central de cette 24e édition, et on espère que colloques et conférences, réalisateurs, acteurs, scénaristes, et structures de financements du cinéma africain trouveront les voies et moyens à ce rendez-vous de Ouagadougou, de donner un second souffle au FESPACO. Car, à presque cinquantenaire, le FESPACO a perdu de sa superbe. Les pères fondateurs le voulaient une rencontre conviviale du cinéma africain, aujourd'hui, il est une tribune culturelle, politique et économique. Que faire pour réinventer un FESPACO nouveau ? Telle est la problématique à laquelle tous les acteurs du 7e art africain sont confrontés.

D.Z.

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité