Pouvez-vous nous retracer l'histoire du film Cellule 512 ?
C'est une histoire banale. Une dame, au volant de sa voiture, fait un accident et tue un garçonnet. Du coup, sa vie bascule et elle se retrouve en prison. Elle vit des harcèlements sexuels, des violences sexuelles, à cause de sa beauté. C'est l'enfer pour elle, de telle sorte qu'elle perd la raison. Cela nous permet de voir les rapports entre les gardes pénitentiaires et les prisonniers, les prisonniers et tout ce qu'il y a comme maux dans les cellules.
Le film est en compétition à ce FESPACO 2015. Nous avons vu l'aspect technique, avec les émotions. Dites-nous quelles étaient les conditions de tournage ?
Les conditions de tournage étaient bien, il y a eu quelques difficultés, car un tournage ne peut pas se faire sans difficultés. Il y a eu des problèmes pour avoir les cellules. Je n'ai pas pu avoir l'autorisation de tourner dans les prisons. J'ai demandé au ministre de la justice qui m'avait accordé l'autorisation, sous réserve et je suis parti voir le directeur de la prison qui a refusé, parce quand il a vu le scénario, il a dit qu'il ne pouvait pas accepter qu'on tourne un tel scénario dans sa prison. Je n'ai pas eu les cellules, donc j'ai dû créer mes propres cellules, ma propre prison. Donc, c'est la première difficulté, mais heureusement, que j'ai trouvé un service qui était bien et nous avons trouvé que cela pouvait faire une cellule. On a transformé carrément tout le service en prison et cellule. Cela a été un travail énorme pour les décorateurs et quand nous avons fini de tourner, il fallait tout remettre en place, tout repeindre, tout nettoyer, ce qui a fait que le budget est monté. On a également tourné pendant la saison des pluies, en plein mois d'août. Vous savez qu'il pleut beaucoup. Quand on s'installe pour le tournage, il commence à pleuvoir et on s'arrête, il faut revenir le lendemain. Bref ? cela a empiété sur le temps de tournage. Mais dans l'ensemble, tout s'est bien déroulé. Les comédiens étaient très motivés, on a eu un bon directeur photo. Cela fait la deuxième fois que je travaille avec lui, car il avait travaillé sur «En attendant le vote», et c'est là que je l'ai découvert. Il a fait du bon travail et j'ai dit pourquoi pas, on ne change pas une équipe qui gagne. Je l'ai fait venir et vous voyez le résultat, c'est très beau. J'ai eu la chance, d'aller faire les finitions en France dans un très bon studio et le résultat est parfait.
Pour qui a visionné le film «En attendant le vote» et ce film, on constate que vous êtes préoccupé par la douleur. Y a-t-il une raison à cela ?
Mais bien sûr, la douleur se présente partout. Dans le quotidien, il y a la douleur. Que ce soit au niveau des hommes, des femmes et même au niveau des enfants, on voit des enfants qui se retrouvent sans mère, dont la mère est en prison qu'ils ne voient plus, et il y a une douleur intense qu'ils vivent. Cela est incroyable. Le mari qui se retrouve en train de s'occuper d'un bébé et qui n'arrive plus à être à l'heure au travail, on lui demande de faire un rapport. Ce sont des douleurs. Il ne faut pas oublier le regard de la société sur lui, on parle dans son dos, ses oncles l'incitent à laisser cette femme, pour qu'on lui trouve une autre femme qui pourra bien s'occuper de lui. Bref partout, c'est la douleur. La dame qui est en prison, ses enfants lui manquent, avec les violences de toutes sortes dont elle est victime.
Après les séries télévisées, vous vous êtes orienté vers les longs métrages ?
Je fais toujours les deux, je fais des séries et des longs métrages. Cela ne me gêne pas du tout. Quand je fais une série, je suis dans la série, c'est la philosophie de la série. Quand je quitte les séries pour revenir aux longs métrages, je rentre dans les longs métrages, je ne mélange pas les deux.
Mais l'avantage de ce film, c'est qu'il peut très bien passer à la télévision ?
Mais bien sûr, quel que soit le film qu'on fait. Même les grands films hollywoodiens passent dans toutes les télévisions. Au contraire, plus le film a du succès dans les salles, plus les télévisions veulent le montrer et cela ne se discute pas.
Qu'est-ce que cela vous ferait si votre film venait à remporter l'Etalon d'or ?
Ce sera la cerise sur le gâteau, parce que j'ai l'habitude de dire que quand je fais mes films, c'est d'abord pour les Burkinabè, le public africain et Dieu merci jusqu'à présent, tout ce que j'ai fait, le public burkinabè et africain a adoré et même au-delà de nos frontières africaines. Pour preuve, partout où mes séries, mes longs métrages sont diffusés, ils ont beaucoup de succès. J'espère que ce long métrage aura autant de succès et que si le comité a jugé bon de le sélectionner et le mettre en compétition, qu'il puisse avoir une consécration.
Vous avez l'habitude de retracer la vie quotidienne dans la société et là, vous vous attaquez au milieu carcéral ; d'où vous vient cette idée ?
Cette idée est venue simplement d'un constat. J'écoute beaucoup les informations, que ce soit à la radio, à la télévision, je lis beaucoup et chaque fois, on parle des droits de la femme, des droits de l'homme, des droits de prisonniers et surtout, des prisonnières, parce dans les prisons, elles vivent un calvaire. Et à force d'écouter tout cela, cela a fait un déclic et je me suis dit pourquoi ne pas faire un film sur cela et j'ai commencé à réfléchir et l'idée est venue. Je l'ai développée, on a écrit avec mes scénaristes et voilà le résultat.
Par rapport au thème du FESPACO qui porte sur le numérique, il y a une sorte de guerre entre numérique et analogique. Aujourd'hui, quelle est votre appréciation ?
Disons que cette guerre est terminée maintenant, parce qu'aujourd'hui, personne ne tourne en pellicule. Il existe même très peu de laboratoires pour développer les films. Il existe très peu de tables de montage, aussi. Bref, tout le monde est aujourd'hui, au numérique. Le thème du festival colle à l'actualité, nous n'avons pas le choix. Il faut s'adapter à son temps, et le festival a bien fait de mettre ce thème sur la table. Cela permettra à la jeune génération et même à l'ancienne qui était toujours campée sur la pellicule de faire un remake et revoir son ancienne façon de voir les choses. Le numérique a ses avantages mais malheureusement, il a ses inconvénients, parce que tout le monde aujourd'hui, avec une petite caméra, fait un film et se réjouit. Le cinéma est important. Pour faire un film en numérique, il faut chercher d'abord, de bons appareils numériques pour le tournage et quand on a fini de tourner, il faut faire le montage dans de bons studios numériques et cela est important. Si vous ne mettez pas l'accent sur la qualité du matériel, vous allez avoir toujours un film de mauvaise facture et cela va se ressentir dans les salles de cinéma. Aujourd'hui, vous allez dans les salles de cinéma, vous regardez certains films de nos jeunes réalisateurs, les images éclatent, le son est mauvais, cela fait mal au cœur à nous autres qui sommes habitués à la qualité. Donc, il faut faire attention. Le numérique, c'est bien, mais pas n'importe quel numérique, mettons l'accent sur la qualité.
Pélagie OUEDRAOGO