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5 Août 1960-5 Août 2015 : Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?

| 06.08.2015
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5 Août 1960-5 Août 2015 : Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?
© DR / Autre Presse
5 Août 1960-5 Août 2015 : Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?
La Haute-Volta d’alors, à l’instar de nombre de pays africains du pré-carré français, a accédé à l’indépendance formelle, le 05 août 1960. Le général De Gaulle mettait un terme à la loi-cadre de 1958, après avoir fait le tour de l’ex-glacis français, donnant ainsi, la possibilité aux colonies françaises de s’autonomiser ou de rester dans le giron français.

Cette indépendance, si les pays africains l’ont arrachée de haute lutte, prise ou reçue, a consacré aussitôt, des modes de gouvernance disparates dans les jeunes Etats indépendants, faits de crasse dictature pour bien des Etats, de pseudo-démocratie pour d’autres et de monarchie pour d’autres encore. Si l’on convient que le colonisateur a influencé le mode de gouvernance des ex-colonies françaises ou les a téléguidés simplement dans certains cas, il y a que les progrès réalisés dans chaque Etat, en termes de développement, sont restés à l’image des œuvres des ouvriers politiques aux commandes des Etats. Le cas singulier du Burkina Faso est patent, pour cette inflation de coups d’Etat qu’il a connus au cours de son histoire. Deux soulèvements populaires de type insurrectionnel encadrent désormais, quatre coups d’Etat, de janvier 1966 à octobre 2014. 55 ans après son accession à l’indépendance, le pays des hommes intègres a sans doute, fait des bonds, en termes de progrès dans des domaines variés. Point n’est besoin de faire une étude pour l’admettre, mais le vrai développement à bien des égards, reste un horizon à atteindre.

Assez de défis sont à relever pour y arriver. L’autosuffisance alimentaire, si préoccupante pour les pays africains, reste pour le Burkina Faso, un grand défi national de génération. L’agriculture s’est mécanisée, les cultures de contre-saison s’observent dans certaines localités du pays, la maraîchéculture fait partie des pratiques culturales, l’agrobusiness se développe un peu partout dans bien des zones de grande potentialité agricole, afin de disponibiliser en quantité suffisante des vivres pour les besoins alimentaires des populations. Malgré cela, peu de familles ou de ménages burkinabè mangent à leur faim. A dire vrai, dans le Burkina des villages et campagnes, des familles arrivent à s’offrir à peine deux repas par jour, avec la qualité en moins. Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, le droit élémentaire qui est celui à la nourriture n’est pas toujours garanti pour tous les fils et filles du Burkina. Le droit à la santé l’est encore moins. Quoiqu’il y ait une flopée de CSPS çà et là, dans les campagnes, en matière de santé, la demande dépasse l’offre et encore beaucoup de femmes enceintes notamment, et d’enfants, meurent de maladies ...Là où les infrastructures sanitaires existent, leur accès par le plus grand nombre de Burkinabè reste encore un casse-tête chinois, en ville comme en campagne.

Manger à sa faim et avoir accès aux soins primaires révèlent en partie, le visage réel du Burkina Faso, 55 ans après son indépendance. Un visage de misère partagée aux couleurs du développement qui peine à se traduire dans le quotidien des Burkinabè. La pauvreté n’a jamais aussi changé de visage fondamentalement. Elle frappe encore plus les femmes, encore plus les campagnes et est bien présente dans les villes, même si l’apparence laisse croire que dans les villes, les populations vivent mieux. La pauvreté des villes et celle des villages et campagnes sont peut-être à géométrie variable, mais la triste réalité est que les progrès techniques et scientifiques n’ont pas créé l’incidence véritable sur la santé socioéconomique des Burkinabè. 55 ans après l’indépendance, une minorité d’oligarques, de bourgeois concentre l’essentiel des pouvoirs économiques entre leurs mains, alors que la grande majorité des populations vit d’expédients. La redistribution des produits de la croissance reste encore mal faite et profite à l’élite économique et politique. L’autre visage, bien plus hideux du Burkina, vieux de 55 ans d’indépendance, c’est le chômage qui frappe la franche jeune, les jeunes diplômés, notamment.

Les politiques encouragent l’entreprenariat privé, certes, mais les rares entreprises privées capables d’employer cinq à dix jeunes, de façon permanente et décente, se comptent du bout des doigts. La règle, en termes d’emploi privé, demeure celle des emplois saisonniers ou de courte durée, signe que le climat des affaires n’est jusque-là, pas assaini, pour que les entreprises privées se développent au mieux et génèrent des emplois pérennes. L’accès à l’école pour le plus grand nombre d’enfants burkinabè, l’achèvement scolaire normal pour le maximum d’enfants constituent de nos jours, une autre dimension des défis nationaux à relever. Sans compter la qualité de l’enseignement donné aux enfants dans les écoles. 55 ans après l’indépendance, l’analphabétisme caractérise toujours les communautés burkinabè dans leur ensemble. La date du 05 août doit être ressentie comme un rappel des défis pressants à relever pour le Burkina. Après tant d’errements politiques, la normalité constitutionnelle retrouvée en 1991, a placé le pays en orbite. Ces 20 dernières années ont consacré un bond non négligeable, en termes de réalisations, mais les défis du développement restent énormes à relever. Et il faut espérer que le «changement» né de l’insurrection soit à jamais le départ d’un vrai changement, en termes de gouvernance notamment, et que la fin de la transition ouvre des perspectives plus heureuses pour le développement véritable du pays.

Brimet NILOSA

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